AL CAPONE (Richard Wilson, 1959)

Publié le par BBJane


CINE QUA NON #1


Inauguration d'une nouvelle rubrique où seront rapidement évoqués, sans souci critique ou rédactionnel, quelques films qui me sont tombés sous les prunelles... Notes éparses, en style parfois télégraphique, pour mémoire, et pour le plaisir du partage...


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Film invisible en France depuis des années. Pas de sorties VHS ou DVD, pas de diffusions télévisées.

Etant une inconditionnelle de Rod STEIGER, ce Al Capone me faisait fantasmer depuis ma découverte du comédien. C'est l'une de ses performances les plus contestées (elles le sont TOUTES, avec plus ou moins de virulence.) Tout au long de sa carrière, on a reproché à STEIGER d'en faire des tonnes, d'accentuer les maniérismes de l'Actors Studio jusqu'à l'intolérable. Le rôle de Capone se prêtant à toutes les outrances, on conçoit que le plus outrancier des comédiens américains n'ait pas hésité à s'abandonner à ses penchants. En conséquence, les critiques lui tombèrent dessus à bras raccourcis.


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Capone, on le sait, était un mégalomane hystérique, un m'as-tu-vu, un histrion. Accuser STEIGER d'en offrir un portrait chargé, à la limite de la caricature, me semble totalement déplacé. En vérité, il est au diapason du modèle. Son interprétation du Balafré est l'une des plus justes que l'écran nous ait offerte, supérieure à mon sens à celles de Paul MUNI, Al PACINO ou Robert DE NIRO ; je ne vois que Neville BRAND dans la série Les Incorruptibles, qui soutienne la comparaison.

Steiger, qui se documenta copieusement sur Capone et lut les minutes du procès pour fraude fiscale qui lui valut l'emprisonnement, s'appliqua (selon les principes de la Méthode strasbergienne) à trouver en quoi le personnage pouvait lui ressembler, ce qu'ils partageaient psychologiquement. Il en vint à la conclusion que l'homme était avant tout assoiffé de respect et de reconnaissance. "Il était, tout comme moi, un showman, un acteur", déclara-t-il au "New Yorker". "Je voulais que chacun de ses actes naturels soit démonstratif."


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Mise en scène semi-documentaire. On pense, une fois encore, aux Incorruptibles télévisés, en ce sens que l'évocation des années 30 ne se défait pas d'un climat typiquement fifties. Pas d'esbroufe, une violence sèche, tendue mais épurée (reconstitution économe du fameux "Massacre de la Saint-Valentin" : WILSON ne lui consacre pas plus de deux minutes). Peu de traces de l'expressionnisme cher au Film Noir, qui touchait d'ailleurs à son terme ; nous sommes ici plus proches des biographies de gangsters typiques de la Warner des années 30. Réalisme, dédain des fioritures.


Al Capone 01-copie-2Rod STEIGER en plein accès de sobriété (à gauche, Martin BALSAM)

WILSON brosse le portrait objectif d'un psychopathe roué -- un être instinctif, néanmoins capable de calcul. Une scène mémorable au cours de laquelle Capone séduit une femme éplorée dont il vient de tuer le mari (et dont il fera sa compagne) évoque le Richard III de SHAKESPEARE, quand Gloucester brise les préventions et le ressentiment de Lady Anne dans les mêmes circonstances. Un tour de force, où l'hypocrisie le dispute au charme.


Belle performance de Nehemiah PERSOFF en Johnny Torrio, le "boss" de Capone, conscient que son autorité est désormais comptée, et que son poulain ne tardera pas à le surclasser. Lorsque Capone le remercie de faire de lui son "bras droit", Torrio rétorque philosophiquement : "Je préfère t'avoir à mon côté que dans mon dos."


Capone 02-copie-3Rod, en colère (comme d'hab'),
et pinaillant sur un point de détail (à gauche, Nehemiah PERSOFF)

Personnages féminins rarissimes et sans grande consistance, à l'exception de Maureen Flannery (Fay SPAIN), que j'ai évoquée plus haut. Partagée entre une défiance justifiée envers Capone (elle le soupçonne d'avoir tué son mari, malgré ses dénégations ; elle veille à tenir sa fille éloignée du gangster), et une irrépressible attraction, fortement masochiste. SPAIN joue le rôle tout en retenue et sincérité blessée.




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Le vrai Capone fut libéré de prison pour cause de syphilis, et mourut dans son lit d'une crise cardiaque. Dans le film, il est assassiné par ses codétenus (et probablement anciens comparses) dans la cour du pénitencier.


Al-Capone-03-copie-1.JPGLa mort du caïd

Quelques critiques :


"Excellente évocation de la prohibition et portrait sans complaisance d'un caïd désincarné. " (François Guérif, "Le Film Noir", Ed. Henri Veyrier, 1979)
"Scrupuleuse biographie d'un tueur fabriqué peu à peu par l'univers désincarné dans lequel il vit, qui donnait lieu à une évocation passionnante de la pègre américaine à la grande époque de la prohibition." (Coursodon et Tavernier, "50 ans de cinéma américain", Nathan, 1995)
"Un portrait sans concession d'Al Capone où Rod Steiger cabotine à souhait." (Jean Tulard, "Guide des films", Robert Laffont, 1990)


Publié dans CINE QUA NON

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B
<br /> @ Audrey : Je te le passe quand tu veux -- mais c'est de la V.O. non sous-titrée...<br /> @ Deef : Hi hi... Disons que je me le suis procuré de façon très anti-hadopi...<br /> Bises à vous deux.<br /> <br /> <br />
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D
<br /> "Film invisible en France depuis des années. Pas de sorties VHS ou DVD, pas de diffusions télévisées." : comment as-tu fait pour le voir ? Ne me dis pas que tu l'as vu en 79... :)<br /> <br /> <br />
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A
<br /> Tout cela donne envie de découvrir le film. Et la musique d'Elvis va à merveille avec l'article. C'est une musique faite pour ton blog ! Bises ravies !<br /> <br /> <br />
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B
<br /> Je te ferai découvrir ce film, chère Irlandaise... Mon article n'est pas vraiment fouillé, selon moi, mais j'ai renoncé aux longues analyses sur ce blog... Quant à Lynch et Elvis, je ne comprends<br /> pas non plus. Peut-être une question de droits ?... Bisous...<br /> <br /> <br />
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L
<br /> que "Lynch", le L n'est pas passé ! grrr; bises BB.<br /> <br /> <br />
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