INNOMMABLE DEGUEULASSERIE...
Les faits sont bénins, et de piètre envergure à l'Echelle Humaine (tous les faits sont de piètre envergure à l'Echelle Humaine, de fait...) :
Boy George vient de se prendre quinze mois de taule pour avoir attenté à la pudeur d'un prostitué mâle. Pour l'avoir un peu bousculé, et incité à des actes (S.M.) que la morale réprouve.
Ledit prostitué gay, d'une candeur biblique, n'avait sans doute tapiné qu'à Disneyland avant de pénétrer dans l'antre infâme où le Boy s'adonne à sa luxure. Sans doute n'exerçait-il son art qu'auprès de richissimes rombières nonagéraires et apoplectiques, inaptes à toute jouissance n'émanant pas du gros orteil du pied gauche...
Passons...
J'aime Boy George, l'artiste, sa musique. Sa pugnacité, son parcours créatif, qui le mena des sympathiques mièvreries de Culture Club au réel accomplissement de sa comédie musicale TABOO. Je ne suis pas outré par les pratiques S.M. Et j'ai quelque peine à concevoir qu'un hustler professionnel puisse s'effaroucher devant des usages qui sont monnaie courante dans son turbin...
Passons...
La Justice Anglaise, poudrée jusqu'au cul et calvinisée jusqu'à l'os, s'évertue depuis plus de 20 ans à faire payer sa fantaisie et ses options queers à un artiste qui lui court prodigieusement sur le méreau. Elle y est parvenue, soit.
George O'Dowd
Le plus infâme, dans l'affaire, n'est pas tant la triomphante opiniâtreté de quelques juges emperruqués à la mord-moi-le-gland, non plus que l'accès de pudibonderie d'un tapin janséniste, mais bien plutôt le déferlement d'obscénités répandues par la presse anglaise suite à cette bénigne affaire.
Boy George, à qui l'on n'accordait plus une ligne depuis des lustres (en dépit d'une activité musicale exponentielle, et de grande qualité), dont on se souciait moins que de la dernière perte blanche de la catin de Southgate, se voit brutalement exposé au feu des projecteurs et à la ire des journalistes, qui ne trouvent à évoquer que son physique de sumo, sa lamentable carrière de DJ dans quelques clubs privés (traduisez : "clubs pédés"), sa dégringolade médiatique (la faute à QUI ???), et le fait qu'il n'était pas rasé en sortant du Tribunal...
J'ai relu récemment, par un fielleux hasard, l'opinion de M. Léon BLOY sur les "gens de presse". Je la soumets à votre appréciation :
"A force d'avilissement, les journalistes sont devenus si étrangers à tout sentiment d'honneur qu'il est absolument impossible, désormais, de leur faire comprendre qu'on les vomit et qu'après les avoir vomis, on les réavale avec fureur pour les déféquer. La corporation est logée à cet étage d'ignominie où la conscience ne discerne plus ce que c'est d'être un salaud. Ah ! je sais bien que ça ne reluisait pas déjà trop, ce joli monde, il y a trente ou quarante ans (...) Il était possible encore d'être un jean-foutre et de passer pour une canaille. Aujourd'hui, c'est exactement le contraire. Tant mieux si cela nous mène au désirable chambardement de la fin. Le jour où il n'y aura plus moyen de faire une bonne action ou une oeuvre d'art sans risquer le bagne ou tout au moins le pilori, il est clair que le monde sera gouverné par les journalistes et que le Déluge de Merde sera sur le point de commencer. Il y a des moments où il me semble que nous y sommes déjà."
Il y en a trois pages du même tonneau, dans "Quatre ans de captivité à Cochons-sur-Marne". Je les compte parmi les plus belles de la langue française.
Léon BLOY (1846-1917), infect cul-béni, et génial pamphlétaire